Le respect de la dignité des enfants

Le respect de la dignité des enfants est un grand dénominateur de leur santé globale. Je dirais qu’il forme une garantie du respect de l’ensemble de leurs droits consacrés par la convention internationale relative à leurs droits que le Canada a ratifiée en 1991. Dans ma pratique de pédiatrie sociale en communauté, je constate cependant que de nombreux droits d’enfants ne sont pas respectés, et que cela a une incidence grave et directe sur leur développement et leur bien-être. Par conséquent, le plan de traitement et les actions que nous proposons sont induits par la nature de la violation de leurs droits. Les trois prochains blogues porteront justement sur quelques exemples cliniques, ne serait-ce que pour vous convaincre de vous joindre au mouvement que j’ai initié, incidemment un peu avant la ratification de la Convention. Mon objectif est toujours le même :  contribuer, avec d’autres, à améliorer le sort des milliers d’enfants issus d’un milieu de vie difficile.

No. 1 de 3 : Services restreints aux enfants en besoin issus d’une famille migrante qui est en attente

Se présentent en clinique deux jeunes enfants dont les parents sont en attente d’un statut de réfugié depuis au moins deux ans. Nous les voyons pour la première fois accompagnés de leur maman, elle-même en grande détresse. Le plus jeune est né au Québec et on peut croire qu’il possède la nationalité canadienne et les droits qui y sont rattachés. La famille est complètement isolée, forcée de couper les liens avec les autres membres qui continuent de vivre dans leur pays d’origine.

Dans leur communauté d’accueil, la famille ne connait personne, et comme plusieurs, tous se terrent dans leur logement exigu de trois pièces et demie, en attendant la fin de la pandémie.  Tôt le matin, la maman nous dit qu’elle ose amener ses petits au parc, en esquivant tout contact, tout regard, avec un certain sentiment de culpabilité. Le papa s’est heureusement trouvé un petit travail, mais le découragement est palpable chez les deux parents, et pour cause.

Les deux enfants présentent des problèmes de développement, malgré leur potentiel évident. Pour le cadet, il s’agit d’un retard de langage et de socialisation associé à des difficultés au niveau moteur. Pour l’aîné, la socialisation est également déficiente, fort probablement occasionnée par un manque de contact avec des enfants de son âge. À cause du statut latent de leurs parents, et malgré la nationalité canadienne du plus jeune, l’accès aux soins et services leur est tous très restreint.  Pourtant, sans ces soins et services, le droit à la dignité de ces enfants et leur droit au développement global ne peuvent pas être respectés. 

Ainsi, lorsque je les rencontre avec mon équipe, la famille n’a accès à aucun véritable service de soutien. Le répit nécessaire pour qu’ils se remettent en piste n’existe pas. Les enfants n’ont pas accès au système de garderie publique et la famille tarde à obtenir un appui communautaire, malgré tous les efforts de l’intervenante du CLSC pour faire bouger les choses.

Photo de Kat Jayne sur Pexels.com

Pénalisés par des politiques qui font fi de la santé de certains enfants, ces jeunes demeureront bloqués dans leur développement, et le risque de conséquences sérieuses augmentera de jour en jour. Leurs problèmes de développement persisteront, compromettant leur succès scolaire, tandis que les impacts sur le plan de la santé physique, sociale et mentale s’accumuleront.  

Pour cette famille en attente d’une décision administrative qui scellera son sort, au moins trois actions favoriseraient le respect de la dignité et des droits des enfants. Premièrement, les enfants ont besoin d’un milieu de garde stimulant et le cadet doit obtenir des services d’orthophonie comme tout enfant ayant les mêmes besoins. En accueillant cette famille sur le sol québécois, le gouvernement devrait avoir l’obligation de ne pas discriminer ses enfants, quels que soient leur origine et leur statut. Comme le souligne le législateur, on doit considérer l’importance de l’écoulement du temps pour l’enfant, et plus particulièrement ceux qui ont besoin de services continus. Deuxièmement, des activités de loisirs devraient être accessibles pour les enfants dans leur voisinage, même en temps de pandémie, car, encore une fois, le temps continue de compter pour eux.  Et enfin, la communauté devrait pouvoir offrir une aide de répit, ce qui permettrait à la maman de respirer et de continuer à se développer pour le bien de sa famille et de la communauté d’accueil — elle n’attend que cela!   

En un ou deux ans, le tableau serait complètement changé pour ces enfants et cette famille, et à si peu de frais, comparativement à la facture en germe qu’on devra tous payer, si rien n’est fait pour respecter la dignité et le respect de ces enfants et de leurs parents.

Pour notre part, après avoir établi un lien de confiance avec la famille, nous amorçons des démarches à différents niveaux pour combler, dès maintenant, une partie des besoins déjà énumérés, pour ramener un rayon de soleil dans leur vie. La socialisation, la sécurité et le langage des enfants deviennent une priorité pour toute l’équipe. On engagera aussi nos partenaires de la communauté.

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