En pédiatrie sociale en communauté, on tente de tout faire pour soigner à notre façon les enfants en difficulté, y compris ceux et celles qui en arrachent à l’école. Or, quand ce sont les grands systèmes qui sont en difficulté eux-mêmes, rien ne va plus et ce sont les enfants qui en sont les grands perdants. Leur droit à une éducation adaptée à leurs besoins est alors remis en cause et leurs chances de réussite scolaire et sociale, grandement compromises.
Les difficultés scolaires de toute nature sont fréquentes dans nos milieux, et encore davantage lorsque l’enfant vit dans un milieu de grande vulnérabilité. Les absences fréquentes, les changements multiples d’école et d’enseignants, les carences langagières et les problèmes de motivation en sont souvent la cause. Le soutien quant à lui, arrive au compte-goutte alors que les stresseurs se multiplient au fil des jours.
L’école actuelle est en crise et en grande difficulté, et l’offre de services complémentaires est au plus bas. On n’y trouve que peu ou pas d’orthophonistes, d’ergothérapeutes et d’orthopédagogues et souvent des enseignants dépassés par une tâche impossible à surmonter à eux seuls.
Il y a peu de temps en clinique, j’ai reçu le jeune Alexis, et son histoire est malheureusement emblématique de la situation dans nos écoles. Le jeune Alexis est en fin de cursus primaire et on constate qu’il a doublé sa deuxième année, puis qu’il est passé de justesse en cinquième année, non sans difficultés. Comme il n’avait pas de diagnostic précis, il n’a pas reçu l’aide nécessaire car nous dit-on, « il n’avait pas de troubles assez sévères ». D’autres en avait plus besoin que lui…
Pourtant, Alexis a bel et bien une dyslexie-dysorthographie et des difficultés de comportement liés à sa frustration de ne pas réussir. Ses colères sont de plus en plus fréquentes et il m’avoue clairement que la frustration liée à ses échecs scolaires le met hors de lui et est le moteur d’une grande partie de ses troubles du comportement. Des histoires comme celles d’Alexis, nous en voyons malheureusement trop souvent alors que tous les enfants devraient avoir le droit d’être accompagnés et soutenus, peu importe la sévérité des troubles diagnostiqués.
Face à cette situation, dans nos centres de pédiatrie sociale en communauté, nous nous efforçons de mettre en place une offre de services adaptée, le plus près possible des milieux de vie des enfants en situation de grande vulnérabilité. Au Garage à Musique par exemple (l’un de nos 45 centres), nous incluons même le service de soutien scolaire spécialisé pour assurer aux jeunes en difficulté scolaire un service individualisé et adapté. Quand l’école n’y arrive plus, faute de moyens et de spécialistes, nous n’avons alors plus d’autres options pour soutenir ces enfants et ainsi éviter leur échec scolaire.
Le constat peut sembler pessimiste me direz-vous et pourtant, l’école peut aussi faire de très bonnes choses. À l’image des classes spéciales pour les enfants avec des troubles complexes et qui permettent à ces jeunes de recevoir l’accompagnement adéquat. Les classes de langage et d’accueil sont d’autres exemples inspirants pour notre école publique.
Vous vous en douterez, le cas de l’École Grand Pré spécialisée en langage – victime d’une réorganisation des services – m’interpelle. C’est exactement ce type de structure qui est une formule gagnante pour les enfants. Les impacts de ces écoles spécialisées sont réels et leur existence est reconnue comme faisant partie des meilleures pratiques à déployer.
Les parents de cette école s’insurgent, et je les comprends. Le modèle décrit, soit une offre de services d’équipe spécialisée et qui couvrent l’ensemble des besoins des enfants en difficulté, fonctionne et est vraiment la voie à suivre.
Nous ne pouvons pas en permanence déshabiller l’un pour couvrir les carences de l’autre, autre qui a aussi d’énormes besoins à combler et de défis à relever.