Le respect de la dignité des enfants

Situation 3 de 3 : Une arrivée non désirée

La très jeune future maman poursuivait aussi sa vie d’adolescente mais particulièrement dans ce cas, en révolte et en colère. Son entourage, violent et toxique, ne permettait aucune stabilité ni sécurité. Croyante, elle refusait d’interrompre sa grossesse, malgré son état instable et sa disponibilité quasi nulle. Elle allait s’appeler Fauve.

Les deux premières années de Fauve furent difficiles : un sevrage douloureux dès la naissance, des changements de domicile constants, très peu de stimulation, une alimentation inadéquate et une maman à court de moyens malgré sa prétention. Fauve pleurait beaucoup et son développement  était grandement compromis. L’enfant tomba entre deux chaises ou plutôt dans les failles du système jusqu’au moment où les grands-parents signalèrent la situation aux services de la protection de la jeunesse.

Elle fut placée d’urgence en famille d’accueil pour une période d’un an. Pendant ce temps, sa mère étant incapable d’en prendre soin, sombra dans une grande dépression.

Après de multiples traitements et une hospitalisation prolongée, la maman retourna à la maison dans de meilleures conditions et prête à reprendre son enfant. Elle se retrouva de nouveau enceinte ayant une vie plus stable et Fauve lui fut de nouveau confiée vers l’âge de trois ans.

Lorsque le nouveau bébé arriva, Fauve devint rapidement agressive et refusa la présence d’une petite sœur. Elle l’ignorait, la poussait et voulait qu’elle reparte immédiatement. Son humeur changeait subitement et elle devenait de plus en plus agitée.  Dans son désarroi, Fauve se mit à faire des crises sévères, allant même jusqu’à frapper sa maman et à la traiter de mauvais mots. Peu de temps après, un psychiatre émit l’hypothèse d’un trouble dépressif suite à un trouble sévère de l’attachement.

Dépassée par les circonstances, la maman se remit à consommer et retomba dans un état de détresse sévère – ce qui nécessita une autre hospitalisation et une nouvelle rupture pour l’enfant. Heureusement pour Fauve, ces grands-parents assumèrent sa garde et sécurisèrent l’enfant pendant les quelques mois que durèrent les thérapies offertes à la mère.

Ces thérapies aidèrent la mère à se rétablir en moins d’un an. À cinq ans, Fauve retourna de nouveau auprès d’elle. Après quelques semaines de lune de miel, l’enfant se remit à se comporter agressivement et à faire des crises à répétition. Elle s’opposait continuellement à sa mère, et elle lui criait qu’elle était méchante, qu’elle ne l’aimait pas. Lorsque je la vis en clinique en première visite, référée par l’école, Fauve me chuchota qu’elle rêvait fréquemment qu’elle tuait sa mère avec un couteau! À l’école, elle s’opposait, elle défiait l’autorité, et elle les menaçait, haute de ces 4 ans et demi. Des thérapies s’imposèrent et un suivi en psychiatrie et en art thérapie s’amorça en ciblant particulièrement le gros problème d’attachement insécure.

Lors d’une visite subséquente à 5 ans et demi, elle semblait à fleur de peau, hyper-vigilante et ultrasensible. Fauve avait changé. Elle fonctionnait assez bien, son rendement scolaire était meilleur et elle était capable de se faire des amis, affichant même des qualités de leader. Elle démontrait aussi d’énormes talents artistiques, et elle nous dessina sa famille tout en noir. Par contre, elle avait fait un arc-en-ciel multicolore sur le coin de la feuille. En me donnant son œuvre, Fauve me dit qu’elle souhaiterait retourner dans le ventre de sa mère, comme pour tout reprendre à zéro!

Sa grande naïveté associée à une résilience exceptionnelle lui permettait de se projeter en avant comme pour recommencer sa vie comme par magie. L’espoir faisait maintenant partie de sa vie. Il fallait donc dès maintenant, par respect de sa dignité, lui fournir un accompagnement sécuritaire et intensif et surtout pour la guider dans ce grand voyage.

 Être née au mauvais moment et au mauvais endroit constitue le pire des mauvais départs pour un enfant qui devrait naître égal. L’espoir, quand il renaît, permet de croire que les dommages seront limités dans la vie future.

« Il est plus facile de construire des enfants forts que de réparer des adultes brisés. »

F. Douglass

Photo de Skitterphoto sur Pexels.com

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