
Les temps changent mais les choses ne changent pas nécessairement pour autant. Je continue à voir des enfants en besoin au jour le jour et le plaisir est toujours au rendez-vous parce qu’ils sont vrais, authentiques et reconnaissants.
Quand on peut agir comme soutien auprès d’eux, quand ils nous autorisent à décoder leurs émotions et leur bien-être et à les soutenir dans un bout de leur vie, c’est probablement le plus cadeau qui nous est donné comme soignant. Les enfants eux ne changent pas par rapport à leurs besoins fondamentaux et dans leurs attentes pour se développer pleinement.
Adrien était tout écoute du haut de ses 7 ans cette semaine. Il m’écoutait attentivement et me souriais discrètement lorsque je tentais d’expliquer aux parents qu’il n’avait pas de troubles de comportement comme le pensait l’entourage. Quand j’additionnais la somme des traumas qu’il avait subi ces dernières années, ceux particulièrement liés à l’exposition à des violences domestiques, à l’intimidation à l’école et à celui du rejet et de l’abandon de son beau père, cela allait de soi pour tous. Ses comportements difficiles, ses mauvaises notes à l’école, son incontinence récemment apparue et ses pleurs incessants la nuit s’expliquaient de facto. Il ne demandait qu’à être rassuré, sécurisé et aimé tout simplement, pas médicamenté!
Quand Sylvain, 13 ans nous annonça qu’il ne fréquentais plus l’école depuis 6 mois et qu’il ne faisait rien de toutes ses journées et ce avec un sourire en coin, il savait très bien qu’on allait réagir et que c’était la meilleure façon de se faire entendre. Il voulait simplement nous dire haut et fort qu’il était dépassé par les évènements et dans une détresse importante. Lorsqu’il nous parla de ses maux de tête, de ses vomissements, de ses problèmes de peau et de ses idées suicidaires, il nous confirmait qu’il se trouvait au bout du tunnel et que sans aide, il n’y arriverait pas. Son diagnostic de TDAH ne tenait plus la route. Le vrai problème se situait dans son entourage, dans la façon dénigrante dont il était traité, dans les abus qui caractérisaient son parcours en bas âge et dans son attachement totalement insécure lié aux maladies de sa maman. Il n’avait pas d’autres possibilités que de régresser, de jouer un rôle de protecteur pour ses proches et de se rendre malade lui-même. Sa trop grande surcharge émotive l’étouffait littéralement et c’est là-dessus qu’il fallait agir rapidement.
Ce qui change peux-être, c’est le désir profond de revoir nos façons de faire avec les enfants soufrants, c’est la nécessité d’approfondir les symptômes que nous présentent les enfants en dehors du schème médical traditionnel et c’est le besoin d’innover dans notre pratique, un enfant à la fois, en s’assurant d’écouter attentivement leur parole comme point de départ de toutes demandes d’aide et d’offres de service. C’est certainement le plus beau changement que l’on puisse faire pour mieux soigner et rassurer les enfants en ces temps difficiles.