
On comprend que les enfants n’en peuvent plus d’attendre au Québec. Et pas les moindres, les plus vulnérables, les laisser pour compte, les traumatisés et les mal-traités en somme. Ce sont ceux qui ont le plus de besoins et de droits bafoués et qui en sont les plus grandes victimes. Au fil des ans et des différentes politiques des dernières années, la priorité enfance s’est progressivement effritée dans notre beau pays. Moins de ressources, moins de budget, coupures et ré-ingénéries ont pavé la route à un dangereux effritement des services à l’enfance.
La DPJ particulièrement y goute actuellement et elle sert injustement de bouc émissaire parce qu’elle n’a pas su évoluer ni s’adapter, ni même s’évaluer face à de nouvelles réalités. Elle a malheureusement préféré se cantonner dans sa propre interprétation de la Loi de la protection de la jeunesse pour maintenir ses acquis de seule responsable de la protection des enfants, en sachant fort bien qu’elle ne pouvait pas y arriver seule.
Les gouvernements se sont succédés en se confortant dans leurs propres systèmes sans trop se poser de questions ni lever la main pour empêcher ses propres organismes de se confondre. C’est donc plutôt l’ensemble de l’oeuvre des services pour les enfants qu’il faut revoir, sans chercher de coupables. Nous le sommes tous un peu d’ailleurs. Ce n’est pas seulement le système de la protection qu’il faut changer mais aussi le système de santé et de services sociaux fort difficilement accessible, le système scolaire peu enclin à se positionner sur le sort des enfants en troubles complexes (ex: autisme) ou sur la qualité des écoles (eau plombée, ventilation inadéquate, moisissures ), le sytème judiciaire ignorant souvent l’importance de la Convention internationale relative aux droit des enfants fréquemment bafouée. Il faut croire que pour plusieurs, la priorité enfant n’en est pas une d’actualité, mise à part l’indignation passagère des failles des systèmes qu’on découvre quotidiennement dans les journaux.
On le savait pourtant et on appréhendait le conséquences de ce relâchement, c’était devenu de plus en plus évident. Or arrive la pandémie non attendu qu’on essayait bien naïvement d’ignorer au début. Les enfants épargnés au départ par la maladie durent tout de même se conformer à un confinement massif pour sauver les autres. S’ensuivit des conséquences sévères sur leur moral et leur santé physique et mentale auxquelles on n’était pas préparé à un moment où on avait bien d’autres chats à fouetter. Il a donc été décidé, sans le vouloir, que les enfants devraient endurer leur mal, se mettre sur pause et attendre encore une fois leur tour.
Actuellement, deux constats se dessinent concernant les soins aux enfants en supposant que les enfants devront encore attendre leur tour pour plusieurs mois et en se croisant les doigts pour qu’il reste encore des fonds pour faire les ajustements nécessaires. Le premier, c’est que rien ne va plus quant aux différents services offert par l’État. Ce n’est pas un blâme en passant, puisque nous l’avons voulu collectivement cet État providence qui nous libérerait de participer à la tâche. À mon sens c’était perdu d’avance, genre mission impossible. Comment pouvait-on penser naïvement que l’État pouvait seul prendre charge de nos enfants?
L’autre constat, c’est l’état actuel de la santé globale des enfants qui en inquiète plus d’un. Ce que l’on craignait le plus est en train d’arriver. Au plan physique ou constate que la sédentarité est devenu la norme. L’obésité des enfants fait des progrès évidents. La dépendance aux écrans se démultiplie même chez les plus jeunes. La violence est rampante dans les chaumières, surtout celles qui sont mal isolées et délabrées. La santé mentale en prend un coup solide elle aussi avec son lot de de difficultés liés à l’anxiété, la perte du lien social et la dépression. Les enfants ne vont pas bien et ils devront continuer d’attendre. La question est de savoir pour combien de temps encore pourront-ils endurer et survivre à ces drames et abandons. Il est moins une et le temps presse. Je repense toujours à cette phrase célèbre qui me suit chaque jour en clinique et dans mes chroniques: « Il est plus facile de construire des enfants forts que de réparer des adultes brisés. » F. Douglass, traduction libre.