En clinique un matin, j’ai retrouvé mon petit Abel (un nom fictif, bien sûr). Il est venu pour qu’on puisse évaluer son retard de langage. On s’était vu en télé-médecine dans les 4 derniers mois, mais ce n’est pas pareil. En 2 minutes nous pouvions rire ensemble. En 5 minutes, il me racontait une petite histoire — ce qu’il ne pouvait pas faire auparavant. À la fin, avant qu’il nous quitte, on s’est fait une accolade « thérapeutique ». Ça nous a fait du bien à tous les deux ! On a l’espoir que la vie « normale » reprenne son cours, tranquillement.

Et je me disais, tout se passe comme si on venait de vivre un automne terne et pluvieux plutôt qu’un printemps radieux et luxuriant. Pourtant, il est bel et bien là ce printemps éphémère qui s’achève. Il nous fait tous revivre avec ses douceurs, ses odeurs multiples, ses teintes de vert, de jaune et de rose qui accompagnent le réveil de la nature.
Je ne peux m’empêcher de penser à tous ceux et celles qui en ont été privés ces derniers mois. Je pense très souvent à mes semblables, les plus de soixante-cinq ans, ceux qu’on a classés dans l’âge d’or ou le bel âge.
Je ne veux pas juger toutes les mesures qui ont été prises pour protéger la société contre le covid-19. Par contre, j’ai une pensée spéciale pour nos « anciens », « nos sages ». On ne leur a pas permis de vivre, avec les êtres qu’ils aiment, ces moments magiques quand les bourgeons éclatent et que les oiseaux chantent leur mélodie. Ils en ont été privés dans le but de les protéger, ou de nous protéger.
Pire, on continue de les priver de la chaleur de leurs êtres chers. Plusieurs nous ont quittés dans la solitude, sans trop de dignité, et sans même pouvoir dire un dernier adieu à ce monde qu’ils ont contribué à façonner pendant toute leur vie sur terre.
Une tragédie, oui. Une grande injustice, clairement. Un deuil, certainement. On ne peut pas revenir en arrière, le mal est fait. On espère que les leçons qu’on a apprises nous amèneront vers de meilleurs soins et services dans le respect de la dignité et des droits des personnes.
Dans toute cette folie, je m’accroche à une phrase qui me rassure : « une âme nous quitte, une autre prend naissance ». Et ces nouvelles âmes doivent pouvoir célébrer la vie.
Avec masque ou sans masque, à un 1 ou 1,5 mètre ou 2 mètres (on ne sait plus !), les enfants commencent à sortir, revoir leurs amis, courir dans les parcs et reprendre leurs rires contagieux. Ils veulent créer et nous épater. Leur confinement a été difficile et ils veulent reprendre le terrain perdu. Laissons-les venir à nous.